Quand la traduction devient un art d’équilibre
Certaines œuvres littéraires nous rappellent que la traduction est un exercice d’équilibre, parfois fragile. Océan mer, d’Alessandro Baricco, en est un exemple marquant. Ce roman puise sa force dans la musicalité de l’italien, la fluidité de ses phrases et la richesse de ses images poétiques, autant d’éléments intimement liés à sa langue d’origine. Le passage vers le français a donc exigé bien plus qu’une maîtrise linguistique. Il a demandé à sa traductrice, Françoise Brun, une sensibilité exceptionnelle et un véritable instinct littéraire pour saisir l’essence du texte, là où les mots semblaient refuser toute équivalence directe.
Ce défi est loin d’être isolé. Il existe des termes, des expressions, des concepts qui résistent à la traduction, non pas par caprice, mais parce qu’ils incarnent une réalité culturelle ou émotionnelle propre à une langue.
L’« intraduisible »
Un mot est qualifié d’intraduisible lorsqu’il ne possède pas de traduction directe, simple ou équivalente dans une autre langue. Cela ne veut pas dire qu’il est impossible à traduire, mais que sa transposition nécessite une reformulation, une interprétation ou un choix délibéré. L’intraduisible met en lumière la singularité de chaque langue : sa façon unique de nommer le monde, de structurer la pensée, de traduire l’expérience humaine.
Dans de tels cas, le rôle du traducteur ou de la traductrice ne consiste plus simplement à trouver le mot juste, mais à trouver le bon compromis entre fidélité au texte source, fluidité dans la langue cible et respect du contexte culturel.
Enrichir l’imaginaire
Ces termes sont autant de fenêtres ouvertes sur des réalités culturelles qu’une simple traduction ne saurait résumer. En voici quelques exemples :
- Saudade (portugais) : une mélancolie douce mêlée de nostalgie et de désir pour une chose ou une personne absente, mais aimée.
- Komorebi (japonais) : la lumière du soleil qui filtre à travers les feuilles des arbres.
- Hygge (danois) : sentiment de confort, de chaleur et de bien-être simple, souvent lié à l’ambiance.
- Tarab (arabe) : un état d’extase ou d’envoûtement provoqué par la musique.
- Tretår (suédois) : la troisième tasse de café. Oui, spécifiquement la troisième!
Traduire l’intraduisible : entre fidélité et adaptation
Le travail de traduction devient particulièrement complexe face à ces mots. Il doit prendre en compte plusieurs facteurs : le lectorat, le ton, l’objectif de la communication, et surtout, la charge émotionnelle ou culturelle du mot source. Devant un mot ou une expression qui n’a pas d’équivalent direct, les traducteurs et traductrices disposent de plusieurs stratégies pour préserver le sens, l’intention et la portée du message d’origine. Parmi les stratégies les plus courantes, il y a :
- L’adaptation : trouver une image équivalente
Lorsque le concept existe dans la langue cible, mais sous une forme différente, le traducteur ou la traductrice opte pour une reformulation culturellement pertinente.
Par exemple :
En anglais, on dira « it’s raining cats and dogs » pour évoquer une forte pluie. Une traduction littérale en français serait absurde. On utilisera plutôt une expression imagée équivalente, comme « il pleut à boire debout », bien ancrée dans l’usage francophone. Le sens demeure, et l’expression est adaptée à la culture du lectorat.
- L’explicitation : rendre l’implicite plus clair
Certains mots ou formulations condensent des significations complexes ou sous-entendues. Il est alors nécessaire d’enrichir la phrase traduite pour restituer toute la portée de la phrase source.
Par exemple :
Dans un contrat juridique en anglais, on peut lire « the company shall indemnify the client. » Le verbe indemnify englobe des notions précises que le lectorat francophone pourrait ne pas saisir immédiatement. On préférera donc une version plus détaillée : « l’entreprise s’engage à indemniser le client pour toute perte, tout dommage ou toute réclamation découlant directement de l’exécution du contrat. » Par l’explicitation, le traducteur ou la traductrice illustre ce qui est implicite afin d’assurer la clarté et la validité juridique du texte.
- L’emprunt : transposer le terme source sans le traduire
Dans certains cas, aucune traduction n’est pleinement satisfaisante. Le mot d’origine est alors conservé tel quel dans la langue cible, souvent accompagné d’un contexte ou d’une note explicative.
Voici des exemples fréquents d’emprunts :
- Tsunami (japonais)
- Déjà vu (français)
- Karma (sanskrit)
- Hammam (arabe)
L’emprunt permet de préserver la spécificité culturelle ou conceptuelle d’un mot, surtout lorsque celui-ci est déjà reconnu à l’international.
Un enjeu central pour les communications multilingues
L’enjeu de l’intraduisible dépasse largement la linguistique : il touche à la communication interculturelle, à la diversité des perspectives et à l’inclusion véritable. Comprendre que certains mots ne se traduisent pas parfaitement, c’est reconnaître la complexité, mais aussi la richesse du langage humain. Dans un contexte professionnel, cette connaissance révèle que la traduction constitue un véritable levier stratégique, bien au-delà de la simple transposition de mots.
C’est pourquoi les services de Versacom reposent sur une approche conseil, fondée sur l’intelligence langagière et culturelle. Saisir les subtilités du discours, adapter le ton, préserver l’intention : voilà ce que notre équipe expérimentée applique au cœur de chaque mandat. Reconnaître l’intraduisible, c’est aussi reconnaître qu’il faut des expertes et des experts pour le faire entendre autrement, avec précision, dans chaque langue cible.
Dans un monde où les communications circulent instantanément d’un marché à l’autre, cette compétence devient essentielle, non pas pour tout traduire au mot près, mais pour transmettre ce qui compte vraiment, avec clarté et justesse.